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Le pari de la patate douce en Beauce

En Eure-et-Loir, Séverine et Rodolphe Pichard cultivent de la patate douce. Ils ont réussi à créer un marché local pour ce légume exotique.

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Dans les supermarchés, la patate douce se trouve, en général, à côté des mangues et autres fruits venus de milliers de kilomètres. Mais, dans les Intermarchés d’Eure-et-Loir, à l’automne, ce légume long et rosé est en tête de gondole avec la mention « produit local ». Il y a trois ans, Séverine et Rodolphe Pichard se sont lancés dans le pari fou de cultiver de la patate douce en pleine Beauce, à Theuville.

Lui est céréalier et cultive 260 ha avec des productions variées : blé, orge, colza, maïs, pomme de terres, betterave… Elle est conseillère en gestion et en finance à son compte. Ensemble, ils ont créé leur marque « pour sortir des circuits longs. Nous cherchions un produit afin de nous diversifier et ne plus subir les variations des cours, comme en pomme de terre », explique Rodolphe, dont le père était un des pionniers du tubercule jaune en Eure-et-Loir dans les années 90. De nombreux projets autour de la pomme de terre sont déjà établis en Beauce : vodka, chips, frites pour les cantines…

Acclimatée à nos latitudes

Les époux Pichard font un pas de côté et s’intéressent à sa cousine éloignée, d’abord dans leur jardin. Puis ils vont voir des producteurs de patate douce en Vendée et fouillent sur internet : « Nous avons regardé beaucoup de vidéos tournées en Louisiane et en Asie », ajoute Séverine. Cette plante de la famille du liseron nécessite de la technicité et du soin, car lors de l’arrachage, la peau n’est pas encore formée. Il faut alors la stocker pendant quinze jours au chaud.

En 2017, Séverine et Rodolphe commencent par 500 plants et investissent dans une serre de 250 m2 et du stockage. Avec 2 kg/pied, les résultats sont intéressants. Ils augmentent la surface de la serre (500 m2) et plantent en plein champ 11 000 pieds. « Les rendements sont moins importants à l’extérieur, autour de 1 kg/plant, mais la récolte est mécanisable, alors que dans la serre, tout est manuel », souligne Rodolphe. Cette année, ils en ont planté trois fois plus. Entre le stockage et les équipements de récolte, le couple a investi près de 50 000 €. Avec un chiffre d’affaires autour de 20 000 € en 2018, l’installation devrait être rentabilisée en deux ou trois ans.

En parallèle de la production, toute la commercialisation est à créer. Pour la marque « Pa’dou », le logo et les supports de communication dans les magasins, Séverine fait appel à une entreprise de communication locale, qui lui coûte 2 000 €. Le logo est décliné en trois gammes selon la taille de la patate douce, de Baby’padou à Jumbo’padou. « À terme, nous pensons réaliser des conditionnements différents pour mieux valoriser les petites et les très grosses patates. »

Vente de 100 kg/semaine

L’année dernière, 90 % de la récolte a été vendue à des Intermarchés du département. Ce qui n’était pas joué d’avance. « La première fois que j’ai rencontré le gérant de l’Intermarché de Voves, en 2017, il m’a signifié qu’il ne vendait quasiment pas de patate douce. J’en avais 1 000 kg à écouler ! », se souvient Séverine. Finalement, les patates douces estampillées « produites à moins de 50 km de chez vous » partent comme des petits pains, et les ventes atteignent 100 kg par semaine entre novembre et décembre. En deux ans, elle a réussi à convaincre plusieurs gérants de grandes surfaces en vue d’écouler près de 15 t de tubercule. Pour vendre le triple de la production cet automne, le couple a démarché des jardineries et la nouvelle plateforme « Sur le champ ! » qui se charge de livrer la restauration collective. Il vise la région parisienne.

Les époux ont aussi investi dans un distributeur automatique à la ferme. « Nous avions des commandes qui arrivaient par notre page Facebook et nous n’avions pas le temps de tenir un magasin. Nous avons donc investi 15 000 € dans le distributeur et un abri », ajoute Rodolphe. Mais cet équipement pour quatre mois de distribution n’est pas rentable. Les agriculteurs ont donc l’idée d’utiliser la serre de 500 m2 dans le but de produire une dizaine de légumes, en conversion bio, au printemps et à l’été. « Cela fidélise la clientèle pour le distributeur et permet d’obtenir un volume d’activité suffisant pour un salarié à temps plein », conclut Séverine, devenue maraîchère.

Aude Richard

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